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Dans la lumière d'Harriet Backer Teaser
Video with Sound
1 minute
2024

L’univers d’Harriet Backer est un univers de femmes :
compagnes, amies, voisines, membres de la famille
ou de la communauté. Dans une palette lumineuse
et subtile, elle représente des scènes de la vie
quotidienne, en prêtant une attention toute particulière
aux nuances de la luminosité norvégienne. En 2023,
je me suis rendue en Norvège afin de procéder à une
reconstitution vivante de dix-sept de ses toiles.
En m’immisçant dans ses mises en scène par le biais
de ma caméra vidéo, je suis devenue Harriet la peintre.
Harriet sachant, de toute évidence, prendre le temps
qu'il fallait pour peindre, j’ai travaillé sans hâte.
Comme Harriet au moyen de ses pinceaux, j’esquisse,
au moyen de mon objectif, les contours d’un visage
de femme ou l’éclat passager d’un pied dans l’herbe.
Émergeant de la pénombre, une pile de lettres
enrubannée de rose évoque les délicats clairs-obscurs
d’Harriet. J’insuffle des mouvements presque
imperceptibles dans son monde immobile et patient :
mains essorant le linge en plein soleil ; doigts
effectuant des travaux de couture dans la lumière
déclinante de l’après-midi ; femme qui regarde par
la fenêtre en caressant des doigts la dentelle d’un
rideau. L’accentuation du passage du temps par la
vidéo imprègne l’immuabilité des toiles, révélant la
sensualité de certains détails, amplifiant des gestes
discrets, des sons à peine audibles. Ancrée dans
la tradition du slow cinema, et associant mouvement,
rythme et nuances, cette dramaturgie introspective
nous entraîne dans l’intimité d’Harriet et dévoile des
émotions cachées. La fascination se substituant à
l’impatience, nous renonçons à notre agitation.
Harriet Backer’s world is the world of women,
companions, friends, family, neighbors, and community.
With a subtle and luminous palette, she paints intimate
studies of Norwegian life with extreme attention to
the nuances of Norwegian light. In 2023, I travelled
to Norway and reconstructed seventeen of her
paintings as live tableaux. Entering her mise en scène,
I became Harriet the painter with my video camera.
Harriet clearly took her time to paint, and I worked
slowly. As Harriet did with her brushstrokes, I carefully
trace the contours of a woman’s face or the flicker
of a bare foot in the grass with my lens. A pile of letters
with a pink ribbon emerges from the near darkness
like Harriet’s delicate brushed shadows. I inject subtle
movements into her still and patient world: hands
wringing wet laundry in the sun, fingers sewing in the
dimming afternoon light, a woman gazing out the
window delicately fingering a lace curtain. Video’s
insistence on the passage of time infiltrates the stillness
of the paintings and exposes sensuous details,
magnifying quiet gestures and subtle sounds. Rooted
in a form of slow cinema presented as a collage
of movement, rhythm, and nuance, this drama of
introspection seduces us into Harriet’s private universe
and unveils hidden emotions. Trading impatience
for captivation, we surrender our restlessness.

Texte : Sandra Binion
Traduction : Dorothée Zumstein